mardi 7 juillet 2009

Tourisme médical



Quelques jours après mon arrivée et suite à l’évacuation matinale quotidienne, je vois quelques gouttes de sang perler au bout de mon précieux petit bout. Stupeur, consternation et inquiétude, mais surtout la déception du vacancier qui arrive aux sports d’hiver pour s’apercevoir qu’il y a une luxure dans les membres inférieurs plutôt que dans l’air. Je mijote le tout le restant de la journée. Prudent depuis au moins vingt ans, la chtouille, comme dit mon ami Marc, est à éliminer au départ. Le gros méchant cancer vient-il de se montrer le bout de la queue?

Le lendemain à dix heures, j’appelle un hôpital privé de Bangkok pour prendre rendez-vous avec un urologue que j’ai choisi sur leur site Web selon sa photo, les langues qu’il parle, mais malheureusement pas la taille de ses doigts. La dame au téléphone me demande quelle heure me conviendrait. Onze heures quinze, osé-je demander. On me répond : pas de problème, présentez-vous au comptoir d’inscription.

L’hôpital, construit au milieu des années soixante-dix, est tellement propre qu’on pourrait, selon le cliché, manger par terre. Mais pourquoi, quand on y offre une demi-douzaine de restaurants aux cuisines variées et délicieuses? Je me présente au comptoir des inscriptions sans attente. Je remplis le formulaire et on prend ma photo pour mon dossier acheminé directement par réseau informatique au bureau du professionnel que je dois rencontrer. Le tout se passe en anglais et je remarque qu’il y a un autre comptoir pour servir les clients japonais. Une infirmière souriante me prend en charge tout de suite pour m’amener à la consultation. Ici, le patient ne cherche pas l’employé, mais plutôt l’inverse. Après un examen rapide, le médecin me demande un échantillon d’urine et s’excuse pour l’attente de trente minutes qui suivra. Une fois finalement assis pour attendre, je m’aperçois que je suis le seul zozo qui s’est amené de la lecture à l’hôpital.

Le médecin me revoit dans le délai promis. Pas de trace de sang dans l’urine, me dit-il, mais vous auriez dû venir tout de suite hier, me reproche-t-il. Comment lui expliquer que l’efficacité soviétique de notre système de santé m’a habitué tant à des rendez-vous urgents fixés dans six mois voire un an qu’à l’angoisse qu’ils génèrent? Les tests négatifs ne lui suggèrent qu’une seule hypothèse, une activité trop vigoureuse aurait causé une irritation. Ouf! Pour reprendre l’analogie du début, notre vacancier, se croyant en forme avec ses balades en ski de fond sur le parcours du petit train-train du Nord et ébloui tant par la beauté alpine que par la variété des pistes offertes, s’est élancé mal préparé dans un slalom géant.

Alors, à la retraite, j’abandonne ma résidence québécoise et je troque ma carte-soleil contre la petite carte verte que vous voyez ci-dessus. Je viendrai vivre dans ce pays merveilleux où on inculque à la jeunesse le respect et les petits soins dus aux aînés qui le méritent soit par leur sagesse ou l’épaisseur de leur portefeuille. Oui mais tout ça doit être horriblement cher, me dites-vous. Ne vous en faites pas. À mon retour, je réclamerai les quarante dollars déboursés au Ministère de la Santé; c’est une aubaine comparée au coût des services supputé par leurs mandarins-technocrates qui rongent leur frein en attendant d’être recrutés par le privé.